TONY GARNIER, RETOUR AUX SOURCES
L’architecte de la halle qui porte aujourd’hui son nom a plus qu’une histoire. C’est presque une légende, tant le parcours et l’œuvre de Tony Garnier, originaux à plus d’un titre, restent méconnus du grand public. Pierre Gras, historien et biographe de l’architecte, cofondateur de l’Institut Tony Garnier, proposera ici, au fil des mois, en commentant une illustration de son choix, un retour aux sources et à l’inspiration qui a donné naissance à l’un des bâtiments les plus originaux de son époque : la Grande halle des abattoirs de La Mouche. Premier épisode de ce récit : le séjour fondateur à la villa Médicis à Rome…
I. À la villa Médicis
Lorsqu’il parvient, son Grand prix de Rome en poche, sur les hauteurs de la villa Médicis, à Rome, le vingtième siècle vient tout juste de commencer. Tony Garnier a déjà trente ans, mais il n’a pas encore laissé de marque sur l’architecture de son époque, fidèle aux principes des Beaux-Arts que la qualité de ses dessins et son sens des couleurs ont su jusqu’alors mettre en scène. Rien ne prédispose Garnier à révolutionner l’architecture de son époque. Pourtant cette « révolution » va avoir lieu sous une forme inattendue, en rupture complète avec les attentes de l’Académie qui l’envoyait à Rome pour reproduire fidèlement les ruines et autres chefs d’œuvre de l’Antiquité.
Certes Garnier est un artiste paysagiste remarquable, comme en témoigne cette vue de la villa Médicis peinte au milieu de l’année 1903. Mais ce qu’il envoie à Paris en guise de justificatifs de son séjour ne relève d’aucune catégorie connue. Il y dessine les prémices d’une agglomération ultramoderne à grande échelle et assortit ses premières planches de cet exergue provocateur : « L’architecture antique fut une erreur, seule la vérité est belle ». Au grand dam des tenants de l’Ordre ancien qui qualifient son travail de « grand barbouillage de crayons » et menacent Garnier de mettre fin illico à son rêve italien. Le jeune architecte n’en a cure. Il n’a plus qu’une idée en tête, se consacrer entièrement à ce qui, à cette époque, n’a pas encore de nom : l’urbanisme moderne.
Illustration : Tony Garnier, La villa Médicis à Rome, aquarelle, 13 juin 1903. (coll. du Musée des Beaux Arts de Lyon. Wikicommons).